Lors du BarCamp inSL de janvier, j'ai proposé un atelier sur la création de l'identité dans Second Life. WangXiang a fait un retour dessus, dans un billet intitulé «Identité, individualité et personnalité dans les mondes virtuels». Pour diverses raisons, ce texte m'interpelle. J'ai commencé à commenter chez WangXiang mais fut interrompu par une coupure de réseau... et, de toute façon, ça commençait à être très long. Aussi, je reprends et continue ici, puisque blogueur je suis.

WangXiang a écrit:
«Mascottus (...) avait revêtu l’apparence d’un robot tout en gardant son nom d’origine (Mascottus Phlox) afin, sans doute, qu’on le “reconnaisse”.»
Il me semble que je suis appellé à répondre. Pourquoi ai-je gardé mon nom? Parce que c'est celui qui est attaché à mon compte Second Life. Pour pouvoir en changer, il eût fallu que je changeasse de compte. Cela n'aurait pas été sans conséquence, me semble-t-il, même si je n'y ai pas réfléchi avant.

Deux possibilités existaient:
- Je créais un nouveau compte pour l'occasion et je me cachais derrière. Mais, pour parler de son expérience, quelle légitimité aurait-il pu avoir, puisque cet avatar n'aurait pas eu d'histoire, ou très peu?
- Je faisais le lien entre l'alt et Mascottus. Mais, dans ce cas, les autres campeurs sachant que Mascottus était derrière ce nouvel avatar, à quoi bon créer un nouveau compte?

Mais, contrairement à ce qu'affirme WangXiang, ce n'est pas moi qui ait décidé d'afficher mon nom dans Second Life. Il s'agit d'un paramétrage du client. C'est donc WangXiang qui a choisi de faire apparaître mon nom et celui des autres campeurs. C'est l'Autre qui nous identifie. Parce qu'il en éprouve l'impérieuse nécessité?

Dans les commentaires, Eve Kazan, après avoir dit que «le sujet peut dans ce monde virtuel, s’affranchir de son origine RL, pas de famille, pas de nom, pas de père, et pas de loi», conclue par un
«Second Life ce n’est que de la jouissance»
Autant je suis d'accord pour dire que, au moment du rezz originel, on peut s'affranchir d'un certain nombre de choses, autant je suis en total désaccord avec la conclusion. Elle me semble être seulement illusoire. Certes, le père semble absent mais cela ne signifie pas qu'il n'y ait plus de lois.

La première chose qu'un avatar acquière après son rezz (ou au moment de celui-ci?), avant même son premier ajout dans l'inventaire, avant même sa première friendship request, c'est l'existence. Celle-ci ne fait que se renforcer au fil du temps, à mesure que l'avatar rencontre d'autres avatars, builde, remplie son inventaire, visite des lieux, prend des landmarks, etc.

En effet, la deuxième chose que l'avatar reçoit, après l'existence, c'est une histoire. Et, même si elle peut être cachée, discrète, il ne me semble pas possible de la faire disparaître, parce qu'elle ne dépend pas que de nous. Les personnes, lieux, objets que nous avons rencontré, visité ou utilisé en sont aussi dépositaires, ne serait-ce que parce que beaucoup d'éléments sont loguées. Second Life est un monde permanent, donc il n'est pas atemporel.

De plus, Second Life n'est pas un monde sans règles. Il y a les TOS, d'abord, mais aussi la ou les communautés. Les banissements, les abuse reports font que l'avatar doit se soumettre à certaines règles sous peine d'exclusion, et donc de mort. Les Linden ont reconstruit l'image du Père. Que Philip Linden ait pu être appellé «Dieu» est d'ailleurs assez révélateur. (Daneel a ainsi pu écrire un remarquable billet titré «In Philip Linden we trust !».)

Ceci étant dit, il faudrait se poser la question du rapport entre la jouissance et l'identité, la personnalité. Est-ce que l'identité peut se dissoudre dans la jouissance, disparaître? Je ne pense pas avoir de réponse pertinente à cette question. Je laisse donc cela à plus savant-e que moi, mais cela nous ramène à la question de l'identité.

WangXiang écrit:
«Les mondes virtuels nous offrent la possibilité d’un effacement du “moi” (l’individualité) pour sublimer le “Soi” (la personnalité).
Je ne sais pas ce qu'il en est de la sublimation, même si je penche plus pour cette théorie de la personnalité (ou d'une partie) qui s'exprime dans les mondes virtuels. Par contre, l'effacement du moi, d'un moi, pose question.

Il me semble que, dans les mondes virtuels, au contrairement de l'effacement, nous sommes dans la création de nouveaux moi, puisque, que nous le voulions ou non, nous sommes inscrits dans des histoires. Ces moi peuvent d'ailleurs être évanescents, pourquoi pas, s'ils sont discrets.

Ceci étant dit, il y a peut-être une incompréhension sur l'individualité dont il est question. Pour WangXiang, «les mondes virtuels constituent littéralement un “support” permettant de se libérer des conditions limitatives de l’individualité “réelle”». Le moi est donc le moi «réel». Est-ce que cela signifie qu'il ne peut pas y avoir de moi strictement virtuel? Pourtant, c'est bien WangXiang que je connais un peu, c'est ce moi là - et lui seul - que je peux «reconnaître».

D'ailleurs, il est intéressant de noter que, lorsque WangXiang a parlé de moi, il a parlé de «Mascottus Phlox», mon «avatar fanion», ainsi que l'appelle Pierre-Olivier, comme si «Mascottus Phlox» avait autant de réalité que la personnalité de celui qui écrit sous le nom de WangXiang Tuxing.

Donc?

Rien... Je m'arrête là pour aujoud'hui.

La parole est intéressante, la controverse, si elle existe, doit aussi être menée par des résidents, car c'est un des vrais enjeux des «mondes virtuels» (numériques, symboliques, en fait), de notre «Seconde Vie» pour comprendre et maîtriser peu ou prou notre expérience dans les mondes intangibles. Dans le domaine de l'identité, de la personnalité, occupons nous à controverser plutôt que ce soient des opposants aux mondes virtuels qui le fassent ;-)